Resté très lié au Stade Rennais, Julien Escudé (41 ans) évoque le tirage au sort de la phase de poules de la Ligue des champions (jeudi, 17 h). Deux de ses autres anciens clubs pourraient venir au Roazhon Park : le Séville FC et l’Ajax Amsterdam.
Il voyage plus encore qu’à son époque de joueur professionnel depuis qu’il est revenu dans le milieu du football, à l’automne 2019. Une nouvelle vie en accéléré, sans que le temps n’ait pourtant de prise sur lui. Julien Escudé a fêté ses 41 ans le 17 août, mais il en fait aisément dix de moins. Le "Beckenbauer francés del Sevilla" comme aiment à le surnommer certains socios du Séville FC, a gardé cette classe à l’état pur et vit de l’intérieur la réussite de l’un des plus beaux clubs d’Europe dans l’équation passion générée, moyens financiers et trophées remportés. En août, l’entité du meilleur directeur sportif au monde (Monchi) a remporté une sixième Ligue Europa, balayant l’Inter Milan en finale. La semaine passée, elle a été à deux doigts de surprendre le Bayern Munich en Supercoupe d’Europe. Lundi, dans un établissement rennais du centre où il a ses habitudes, Julien Escudé a livré à Ouest-France son rêve de voir le grand Séville FC débarquer au Roazhon Park, avec en fond sonore la petite musique de la Ligue des champions.
Trois de vos anciens clubs (Stade Rennais, Séville FC, Ajax Amsterdam) sont concernés par le tirage, demain. Que ressentez-vous ?
Cela ne m’était jamais arrivé (sourire). L’année dernière, c’était Rennes contre le Betis (février 2019 en seizièmes de finale de Ligue Europa, 3-3, 1-3, qualification des Bretons), mais c’était l’autre club de Séville et j’étais pour Rennes bien évidemment puisque c’était contre le Betis ! (rires). Cette année, cela concerne en plus, le plus haut niveau, la Ligue des champions. C’est exceptionnel d’y retrouver Rennes et Séville, l’Ajax est plus habituée.
Quels liens entretenez-vous ces trois anciens clubs ?
Je travaille avec le Séville FC depuis novembre, comme loan manager, en charge des joueurs prêtés par le club. Sinon, je reviens une fois par mois à Rennes. J’y ai de la famille, des amis et des contacts avec le Stade Rennais, où j’ai passé quatre saisons. J’ai donc une accroche française avec Rennes puisque même si j’ai joué à Cannes, c’est à Rennes que j’ai débuté en Première division et c’est le seul où j’ai joué en Première division française. J’ai aussi une accroche particulière avec Séville, le seul club espagnol où j’ai joué, puis j’y ai été international et gagné des titres. Enfin, à l’Ajax j’ai découvert la C1 et côtoyé d’énormes futurs champions : Ibrahimovic, Sneijder, Van der Vart, Maxwell, De Jong, Babel…
Pouvez-vous nous définir les contours de votre poste au Séville FC ?
C’est un poste qui n’existait pas jusque-là. C’est le suivi des joueurs prêtés par le club, en Espagne comme à l’étranger. Je fais des rapports de match, je suis en contact direct avec eux, je vais leur rendre visite pendant la semaine aux entraînements et en dehors. Je suis en contact aussi avec leur club. Tout cela pour essayer d’optimiser leurs performances, les faire progresser, comprendre ce qui n’a pas fonctionné au Séville FC. Et essayer de rendre le joueur meilleur pour lui premièrement, pour son club de prêt deuxièmement et pour le Séville FC troisièmement, car il reste encore sous contrat avec nous. L’an dernier, je suivais par exemple Joris Gnagnon au Stade Rennais.
Quel regard portez-vous sur l’évolution récente du Stade Rennais ?
Elle est très positive, cela se voit dans les résultats et la structuration du club, mais cela se perçoit également dans l’engouement. Il y a une vraie envie d’aller voir jouer cette équipe. Elle est compétitive, a l’amour du maillot. Elle transmet quelque chose. Ça passe aussi, sûrement, par le discours de l’entraîneur. Aujourd’hui, le Stade Rennais est bien structuré, avec de bonnes personnes aux bons endroits, une nouvelle équipe dirigeante qui a des résultats immédiatement. Quand il y a les résultats, tout va bien. Le jour où ils ne seront plus là, ce sera plus difficile, il faudra gérer cela. Mais pour l’instant, je suis très content pour un club avec lequel j’ai connu ses années difficiles du club, donc ça fait énormément plaisir de le voir en Ligue des champions.
Vous attendiez-vous à voir un jour le SRFC en C1 ?
Oui et non. Il y a un actionnaire puissant, avec une notoriété. Le discours d’avant était peut-être de se dire qu’avec un actionnaire ayant de l’argent, on aurait forcément des résultats. Mais non. Le club a su évoluer et trouver les gens ambitieux, lesquels avec cet actionnaire-là ont mis en place tout un travail. La formation au Stade Rennais est remarquable. C’est primordial pour exister au très haut niveau. Et puis, le club a su recruter malin et trouver un entraîneur de la stature de Julien Stéphan pour porter ces jeunes de la formation dans sa propre ambition et devenir un club d’avenir.
Julien Stéphan pourrait-il entraîner en Liga ?
Maintenant, un entraîneur doit arriver à avoir une qualité d’adaptation. C’est comme les joueurs. À une époque, un joueur ne jouait que dans le championnat de France. Maintenant, un très bon joueur, un très grand joueur, il sait jouer dans tous les championnats. Donc un entraîneur, il faut qu’il apprenne cela aussi aujourd’hui et je pense que Julien a les capacités de pouvoir entraîner à l’étranger. C’est un jeune entraîneur et ça dépend du timing, des opportunités, de plein de choses. Il a une grosse envie, fait du très bon travail et a entraîné ailleurs, mais au plus haut niveau, n’a connu que le Stade Rennais pour l’instant. Il faudra le voir dans d’autres clubs, avec d’autres ambitions. L’étranger, c’est le suprême, le summum, on découvre complètement une autre atmosphère, un autre monde.
Qui recruteriez-vous du Stade Rennais au Séville FC ?
Camavinga, je le prends, mais pas à ce prix-là ! (rires). Pour ne rien cacher, à Séville on suit pas mal de joueurs du Stade Rennais. On a sur nos tablettes des jeunes de 17 ans et 18 ans et des professionnels aguerris.
Il faut souvent se battre contre des raccourcis propulsant le Stade Rennais à une hauteur où il n’est pas encore, à sa décharge. Considérez-vous également que la distance reste par exemple astronomique entre Rennes et Séville ou l’Ajax ?
En termes de palmarès, Séville a évidemment pris beaucoup d’avance sur Rennes, avec notamment six Ligue Europa. Après, c’est bien de comparer, mais il faut arriver à trouver une accroche plus personnelle et une identité propre. C’est ce que fait très bien le SRFC dernièrement je trouve. Il n’ambitionne pas d’être un autre, mais il s’appuie sur sa propre histoire. C’est important de donner l’amour du maillot aux joueurs qui signent au club. Refaire le modèle de Séville ou l’Ajax ailleurs, je crois que c’est impossible. La structure institutionnelle, économique, l’histoire, les présidents, les supporters, les villes… C’est difficilement comparable. Il y a plein de choses. Puis à Séville, il y a la confrontation avec le Betis. Puis Séville a aussi vécu dernièrement des choses qui malheureusement, sont à déplorer, à savoir les décès de joueurs très importants. Et ça, pour les Andalous, les Sévillans et les Sevillistas (joueurs, dirigeants et socios du Séville FC), jouer pour des personnes de la notoriété qu’avaient José Antonio Reyes et Antonio Puerta, apporte un supplément d’âme. C’est une histoire très particulière, ce sont des choses qui font que ça dépasse le cadre du football. Et ça, c’est vraiment propre de Séville.
Quel est votre tirage rêvé ?
Je rêve d’un Stade Rennais - Séville FC, bien évidemment ! Moi, ça me ferait énormément plaisir de venir au Roazhon Park avec Séville. Et ce que j’aimerais avant tout, c’est que les supporters des deux clubs puissent voyager et aller dans les stades. Cela permettrait aux Sevillistas de découvrir Rennes, comme y ont eu droit les Béticos du Betis, il y a deux ans, mais seulement en Ligue Europa (rires). Et si les Rennais connaissent déjà la ville de Séville, de laquelle ils ne voulaient plus partir l’an dernier (rires), ça leur permettrait de voir le Ramón Sánchez Pizjuán, un tout autre stade ! Sinon, Rennes – Ajax serait une belle affiche entre un club qui a su revenir au plus haut niveau et un club qui travaille pour s’y installer.
Quel est le joueur actuel du Stade Rennais ou du Séville FC se rapprochant le plus de votre profil, Nayef Aguerd ?
Oui, j’allais le citer en écoutant le début de la question. Il vient d’un club de moins bon niveau, mais avec une marge de progression énorme. C’est le prototype de joueur bon de la tête, qui me semble intelligent, sérieux, professionnel. Je pense qu’il va faire son trou. Je pense qu’à Séville, Jules Koundé et Diego Carlos ont un autre profil, différent du mien, même si Koundé a aussi une personnalité et une relance assez propre. Donc Aguerd, effectivement, se rapproche de mon profil. Et il semble très intéressant.
Est-ce plus difficile, aujourd’hui, d’exister au plus haut niveau avec le profil que vous aviez ?
Peut-être qu’il y en a moins, donc ça peut être une plus-value de trouver un joueur de ce style, mais d’un autre côté, c’est vrai qu’on demande de la puissance physique et que les équipes jouent relativement haut, avec de l’espace dans leur dos, c’est bien plus compliqué. Je pense qu’il faut trouver un bon équilibre, un bon amalgame. À un moment donné, on recherchait des très grands défenseurs centraux, c’est toujours autant d’actualité, mais encore beaucoup plus physique. Après, aujourd’hui la première relance part de derrière, il ne faut pas l’oublier non plus. Il est quand même important d’avoir un joueur capable de lancer une attaque sur une ou deux touches de balle. Moi, je suis plus partisan de trouver un équilibre et des joueurs avec différentes caractéristiques sur les trois ou quatre défenseurs centraux d’un groupe.
Avez-vous toujours des maillots de Séville et de Rennes ?
Oui ! Plus beaucoup à force d’en donner, donc quand on m’en demande, je ne peux plus en donner ! (rires). J’ai essayé d’en garder de chaque club et de chaque saison. De Rennes, j’en ai pas mal, j’y suis resté quand même quatre ans. En plus, on gardait à chaque fois le maillot des matches de Coupe de France. De Séville aussi, j’en ai de chaque saison, de championnat, de Coupe, des finales Uefa. Mais je vais les garder, désormais. Maintenant, je commence à donner les shorts ! (rires).