Le Rennais Arthur Sorin, défenseur de l’AS Vitré (N2) depuis cinq ans, met un terme à sa carrière, à bientôt 35 ans. La fin d’une histoire pour ce joueur formé au Stade Rennais, vainqueur de la Gambardella en 2003 aux côtés de Gourcuff et Briand, passé par Vannes (National), Sedan (Ligue 2), et dont le parcours a été marqué par huit saisons en Suède et au Danemark. Confidences.
Arthur Sorin, la semaine dernière à Rennes | OUEST-FRANCE
La Gambardella
"Je l’ai gagnée en 2003, avec la génération Yoann Gourcuff, Jimmy Briand, etc. Cela reste l’un de mes plus beaux souvenirs, le meilleur forcément chez les jeunes. On avait une très grosse équipe, on avait fait un parcours sans faute. On était costaud, confiant sur le terrain. On savait que si on ne faisait pas d’erreur, on gagnerait tous nos matchs. Cette année 2003, niveau football, on était au-dessus... La seule amertume que j’ai, c’est de n’avoir pas débuté la finale. Je n’avais pas loupé une seule minute jusqu’à la finale, mais Grégory Bourillon et Jacques Faty étaient "redescendus" des pros pour la finale, et moi, j’ai sauté en défense… J’en ai longtemps un peu voulu à Landry Chauvin (son entraîneur) pour cette finale sur le banc. Il m’avait dit qu’il avait des choix à faire, et bien sûr que je le comprenais, mais au fond de moi, forcément, c’était dur à admettre…
Arthur Sorin (à droite), à l’entraînement du Stade Rennais avec Yoann Gourcuff, Jacques Faty et Olivier Sorlin. | ARCHIVES
Il n’empêche que malgré tout, ce titre reste un grand moment, très fort, au Stade de France. L’ambiance était top dans l’équipe. À ce moment-là, j’arrive à la porte du monde professionnel, et je gagne ce qu’il se fait de mieux pour les jeunes. Tout allait donc parfaitement. Depuis tout petit, mon objectif, c’était de faire une carrière au Stade Rennais, et là je suis devenu pro peu après (en 2005)… C’est donc ce que je voulais, mais ça n’a malheureusement duré qu’un an. J’ai compris, très vite, que le plus dur pour un jeune pro, c’était en fait d’arriver à rester pro, surtout dans un club comme le Stade Rennais, où beaucoup d’excellents joueurs sortent de formation."
Arthur Sorin, à la signature de son contrat pro, aux côtés de Pierre Dréossi (manager rennais). Ce jour-là, Simon Pouplin et Stéphane Mbia ont également signé leur premier contrat. | ARCHIVES
Vannes
"Je suis prêté à Vannes (National) dès ma première année pro, en 2005. C’était une super expérience, j’étais l’un des plus jeunes de l’effectif, on avait un super groupe. Au fond de moi, là-bas, je voulais montrer que j’avais le niveau pour signer un nouveau contrat pro à Rennes en revenant. À Vannes, on s’est maintenu facilement malgré des débuts difficiles. Le Voc, à l’époque, était à mi-chemin entre un club amateur et un club pro, le centre d’entraînement était en pré-fabriqué, ça me changeait de Rennes et de la Piverdière… Pour moi, c’était la première fois que je quittais le cocon familial, l’environnement rennais, et avec le recul, ça m’a fait du bien. J’ai adoré mon année là-bas, ça jouait bien au foot, la ville était agréable, j’ai beaucoup appris, même si ça n’a pas toujours été simple avec Stéphane Le Mignan."
Le départ de Rennes
"Après Vannes, en 2006, Rennes ne m’a finalement pas prolongé. Je crois tout simplement qu’au club, on ne me jugeait pas assez bon. J’avais refait un match amical avec Rennes à la fin de l’année, ça s’était plutôt bien passé pourtant, mais voilà, le club ne m’a rien proposé. C’est le foot, c’est comme ça, je n’ai pas trop cherché à savoir, à comprendre, Rennes ne m’a pas expliqué pourquoi ça s’arrêtait tout d’un coup… Mais il n’y avait pas grand-chose à comprendre, en fait. Il fallait aussi être réaliste : il y avait une belle équipe à l’époque, qui tournait très bien, elle n’avait simplement pas besoin d’un gars comme moi. Au départ, ce n’était pas évident, j’avais toujours rêvé de faire carrière à Rennes. Cela a été un coup au moral, mais au bout d’un moment, je me suis dit que ça n’allait pas s’arrêter là. À cette époque, le Suédois Erik Edman jouait à Rennes, et il connaissait un directeur sportif en Suède qui cherchait un arrière droit dans son pays. Il m’avait vu à l’entraînement, il en a parlé au directeur sportif. C’était pour le club de Kalmar, je n’en avais jamais entendu parler avant… Je suis allé là-bas pour effectuer un essai d’une semaine. Mais j’ai signé au bout de deux jours."
Arthur Sorin, avec le maillot de Kalmar, en Suède. | ARCHIVES ARCHIVES
La Suède
"Je me suis posé des questions avant d’y aller, honnêtement. Jamais je n’aurais pensé joué là-bas, j’ai un peu hésité, mais je n’avais rien à perdre. Tours (Ligue 2 à l’époque), s’était renseigné sur moi, mais finalement, j’ai opté pour la Suède. Et au final, je n’ai aucun regret. C’est en Suède que j’ai passé les deux plus belles années de ma carrière. Je suis tombé dans le bon club au bon moment. Je me suis éclaté sur le terrain, on a décroché un titre de champion de Suède et une Coupe de Suède. J’ai découvert une autre mentalité, une culture différente, beaucoup de respect dans tout… Au début, ça n’était pas simple, je suis arrivé l’hiver et il faisait nuit à 15 h. Mais j’ai bien été aidé sur place, les gens étaient hyper sympas avec moi. Dès les premiers entraînements, j’ai vu de super joueurs. J’étais le plus petit et le moins costaud de l’équipe (rires). On avait un jeu atypique : on défendait bas, mais quand on récupérait on allait à 2 000 à l’heure avec des Brésiliens devant. C’était un bon mélange de physique et de technique. Et tactiquement, le coach était très bon."
Le Danemark
"Kalmar voulait me prolonger au bout de deux saisons, mais le club danois d’Aarhus, à six mois de la fin de mon contrat, a commencé à s’intéresser à moi. Il voulait déjà m’acheter d’ailleurs. Kalmar n’avait pas voulu, on a été champion, mais à la fin de l’année, je suis donc parti libre au Danemark. Pourquoi ? Le championnat danois était quand même plus relevé que le suédois, c’était un nouveau challenge, et financièrement, oui, ça a joué aussi... Je suis arrivé à Aarhus, donc, mais le coach qui m’avait recruté venait de se faire limoger juste avant. Son successeur, lui, ne me connaissait pas du tout, c’était en plus une personnalité particulière. Il m’a dit d’entrée que je devrais prouver des choses, qu’il y avait de bons Danois dans l’équipe et que moi, il ne savait rien de mes qualités. J’ai malgré tout commencé titulaire, j’avais fait de bons matchs, mais à la fin d’année, je n’étais plus toujours aligné d’entrée. Au bout de ces six premiers mois à Aarhus, Landry Chauvin m’a alors contacté pour me parler de Sedan (Ligue 2), où il était entraîneur. Je me suis dit pourquoi pas ?"
Arthur Sorin, à l'entraînement avec Aarhus. | OUEST-FRANCE
Sedan
"Je connaissais donc déjà Landry Chauvin, et j’avais à ce moment-là envie de retourner en France. Ma compagne, française, était enceinte et devait accoucher bientôt, et l’opportunité de jouer en France, enfin chez les pros, me tentait aussi. Je suis arrivé à l’été 2009 en pleine préparation à Vittel. Tout se passait bien, on faisait de bons matchs amicaux. Mais lors d’un des premiers matchs de la saison de L2 à domicile contre Ajaccio, j’étais titulaire et je n’ai pas été bon. On a perdu 3-1 et j’ai pris le chemin du banc après ça. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à avoir des problèmes au talon d’Achille. J’ai passé presque le reste de l’année à l’infirmerie, je suis revenu avec la réserve mais je n’ai jamais vraiment réintégré l’équipe. C’était une vraie année galère. Le groupe, à côté de ça, était extra, on avait une belle équipe, Benoît Costil, Paul Baysse, etc.. Heureusement aussi, ma compagne était là, on venait d’avoir notre fille Inès, tout allait bien de ce côté-là. La vie dans les Ardennes, c’était aussi autre chose que le Danemark. Aarhus est une belle ville, vivante, mais Sedan, honnêtement, ça n’avait rien à voir... Ceci dit, le club a un magnifique centre d’entraînement. Au club, avec Landry Chauvin, c’est devenu compliqué. Au bout d’un moment, on ne se parlait même plus. Après mon retour de blessure, à aucun moment je n’ai senti qu’il voulait me faire revenir dans l’équipe…"
Danemark (épisode 2)
"Quand je suis retourné au Danemark en 2010, l’entraîneur avait de nouveau changé. Le club venait de descendre en D2. On est remonté directement, et dès la remontée, on a réalisé l’une des plus belles saisons du club, on a fini 4es, on a même joué les tours préliminaires de Coupe de l’UEFA. Le club m’a alors prolongé trois ans, et sur ces trois années, seule la dernière me laisse sur ma faim. Le coach avait encore changé, et je n’ai pas joué. Je ne comprends d’ailleurs toujours pas trop pourquoi, mais j’ai été au bout de mon contrat. Cette fois, il était temps de partir. Il était temps de rentrer. Entre-temps, mon fils Viktor était né, et la France commençait à nous manquer, à moi et à ma compagne. Et puis, mes deux enfants étaient en âge d’aller à l’école, ça faisait un moment qu’on était parti, nos familles et nos amis étaient loin de nous… Tourner le dos au monde pro, au début, ce n’était pas évident dans mon esprit. Se dire qu’on va tirer un trait sur le professionnalisme, ça ne se fait pas comme ça. Mais petit à petit, cela s’est imposé à moi. Je crois que j’étais prêt, en fait. Je n’ai pas cherché à tout prix à continuer, en tout cas… J’avais une proposition au Danemark d’un autre club, mais dans ma tête et celle de ma compagne, nous devions rentrer."
Arthur Sorin, avec le maillot de l’AS Vitré. | OUEST-FRANCE
L’AS Vitré
"Vitré, ça s’est fait assez naturellement, en fait. Mon père (Michel Sorin) était l’entraîneur, il avait fait signer mon frère (Eliott) juste avant… Moi, j’avais repris l’entraînement avec eux comme ça, et au bout d’un moment ça s’est fait, voilà. Je m’étais fait une raison sur le monde pro, de toute façon, donc l’idée de jouer à Vitré avec mon père et mon frère me plaisait bien. La première année, j’avais un contrat fédéral, mais je suis devenu complètement amateur l’année d’après. Cette année-là, j’ai trouvé un boulot à la Samsic, j’étais chargé de recrutement à l’agence de Vitré.
Une vraie nouveauté pour moi. Jusque-là, je n’avais connu que le football, c’était la vie dont je rêvais, je ne pensais qu’au foot, je m’entraînais le matin, j’avais le temps de m’occuper de mes enfants l’après-midi… Mais là, tout devenait vraiment différent, les journées me paraissaient beaucoup plus longues... Cette vie de bureau, je ne la connaissais pas du tout. Il a fallu s’y mettre les premiers mois (rires)… Mais avec le recul, cela m’a fait du bien de découvrir autre chose. Le milieu du foot est assez fermé, tu croises certes du monde mais c’est très différent. Là, c’est la vraie vie.
Sur le terrain, le CFA m’a surpris. Quand je vois le niveau de cette division quand j’étais avec la réserve de Rennes entre 2003 et 2005, ça n’a rien à voir aujourd’hui. Maintenant, c’est solide, costaud. Pour moi, le plus dur, et je le dis honnêtement, ça a été de trouver la motivation. Quand tu arrives d’un championnat de première division, avec de jolis stades, tout ça, c’était champêtre parfois en CFA… Ce qui me manquait aussi, c’était la pression des gros matchs.
Après cinq saisons, tout se termine donc aujourd’hui, mais j’ai aimé Vitré. Ces années resteront de bons souvenirs. On a vécu une première année difficile, on a été repêché pour le maintien de justesse. Puis, mes deuxième et troisième années se sont bien passées (6e à chaque fois). La quatrième a été marquée par le parcours en Coupe de France. Je l’ai néanmoins vécu un peu de loin car ma blessure au talon m’a rendu indisponible de longs mois…"
La fin de carrière
"Mon corps dit stop. Jusque-là, je n’avais jamais eu de blessures musculaires, mais lors de cette cinquième et dernière année à Vitré, je les ai enchaînées, et j’en ai un peu marre de ces douleurs à répétition… Je ne faisais plus un match sans avoir de douleur depuis un an et demi. Tout a commencé avec une fracture du talon il y a un an et demi, ça a duré sept mois, j’ai repris, mais des blessures musculaires sont venues se greffer là-dessus depuis. Cette année, je n’ai pris aucun plaisir, j’avais toujours mal quelque part. Ces derniers mois ont été fatigants. À chaque fois que je reprenais, je me "pétais" quelque chose. Depuis que j’ai commencé à être footballeur, j’ai toujours voulu continuer jusqu’à ce que mon corps dise non. Et c’est maintenant. Et puis avec mon boulot à côté (à la Samsic), cela devenait compliqué de tout associer."
Les blessures
"Elles m’ont malheureusement souvent accompagné. Surtout sur les dernières années à Vitré, où elles se sont enchaînées. Si je regarde en arrière, tout est parti de Sedan et de ce pépin au talon d’Achille. Depuis, j’ai toujours joué avec une gêne à cet endroit. Le lendemain d’un match, il me fallait au moins dix minutes le matin pour remarcher normalement."
Arthur Sorin. | OUEST-FRANCE
Les lacunes
"Je n’ai jamais aimé les entraînements, et forcément ça a été un frein dans ma carrière. J’en suis conscient, ça m’a fermé des portes. Je me dis avec le recul que je n’ai pas toujours tout mis de mon côté, que le fait d’aller aux entraînements à reculons ne m’a pas aidé. Je n’ai peut-être pas fait tous les sacrifices qu’ont su faire d’autres. Mais il faut aussi comprendre que d’autres étaient très forts. Je suis lucide, là dessus. Je sais que j’avais des manques quand j’étais plus jeune. J’étais moins costaud physiquement, je n’ai jamais été très rapide et le foot d’aujourd’hui demande d’aller de plus en plus vite…
J’aimais le foot, c’était une passion, mais peut-être pas autant que certains joueurs. Quand j’en voyais à 200 % à l’entraînement et pas moi, je comprenais… C’est peut-être aussi ce qui a expliqué ma différence de parcours avec d’autres. Mais là encore, j’étais comme ça, c’était ma façon d’aimer le foot. Peut-être que ça explique aussi pourquoi avec mes entraîneurs, ça n’a pas toujours été simple. En fait, c’était tout l’un ou tout l’autre avec eux."
Le bilan
"Non, je n’ai pas de regrets, j’ai malgré tout profité, j’ai joué pro, j’ai eu cette chance d’y arriver, ce qui n’est pas donné à tout footballeur. Bien sûr, j’aurais rêvé de jouer en Angleterre, et bien sûr que certains de mes coéquipiers de la génération 2003 ont fait une plus belle carrière, bien sûr qu’on aimerait toujours plus…
Mais je crois simplement que j’ai fait la carrière que je devais faire. Il y a eu des hauts, des bas, j’ai su rebondir après mon année galère à Sedan, où je n’aurais peut-être pas dû aller… Au final, je suis content de mon bout de chemin dans le foot. Petit, je m’imaginais devenir pro, comme mon père, et j’ai réussi. J’ai duré une dizaine d’années dans le foot pro quand même… J’ai fait une belle petite carrière, dans des pays improbables, la Suède, le Danemark, j’y ai vécu de belles aventures."
La famille
"Finir ma carrière en famille, jamais je ne l’aurais imaginé. J’ai adoré joué avec eux, c’étaient de très, très belles années. Jouer à côté de mon frère, être entraîné par mon père, on ne peut pas rêver plus belle fin de carrière. L’an passé, ça m’a fait quelque chose de les voir briller en Coupe de France. Il y avait beaucoup d’émotions…"
L’avenir
"J’ai des projets, mais loin du foot. Vais-je-continuer à jouer au foot ? Oui, mais plus du tout à haut niveau, non. A priori, je vais repartir l’an prochain en championnat corpo, j’ai un pote qui est président d’un club à Rennes… Suis-je ému de raccrocher ? Disons que je m’y suis préparé. Mais ce qui me manquera le plus, ce sont les grands stades, le monde, la pression. Car si je n’aimais pas trop les entraînements, j’étais un gros compétiteur…"