Battu de peu à Lille (1-0) pour sa première sur le banc breton, Jorge Sampaoli a réussi ses débuts au Roazhon Park avec le Stade Rennais en disposant largement de Saint-Etienne samedi (5-0). Même si il est trop tôt pour parler de greffe réussie, les Rennais sortent de ce match avec beaucoup d'indices positifs alors que le calendrier semble sur le papier dégagé jusqu'à Noël.
Lorsqu'on a délaissé le terrain pour regarder les tribunes, ce sont des scènes oubliées auxquelles on a assisté samedi dernier au Roazhon Park. Arnaud Pouille, le Président et Frederic Massara, le directeur sportif, sourire aux lèvres en loge présidentielle. Des supporters debout pour applaudir. Oui, Rennes a retrouvé des couleurs dans une ambiance que l'on n'avait pas vu depuis la 1ère journée et un 3-0 face à Lyon qui laissait alors espérer une belle saison. Le dernier succès rennais à la maison datait d'il y a un mois, mais ce pénible 1-0 face au Havre du 25 octobre dernier ne ressemblait en rien à une victoire. Pour la première fois, il n'y avait même pas eu l'habituel clapping mais plutôt une bordée de sifflets. Samedi, la traditionnelle communion de fin de match était de retour avec le blessé Alidu Seidu et ses béquilles en chef d'orchestre face au kop.
Comment qualifier cette victoire du Stade Rennais? Réjouissante, c'est certain pour les 27.000 supporteurs présents mais aussi rassurante pour l'ensemble du club et ses dirigeants. Jorge Sampaoli a apprécié ce qu'a montré son équipe: "Je suis évidemment satisfait. L'équipe avait été en progrès défensif contre Lille. Aujourd'hui, elle a été en progrès offensif. On peut travailler dans la sérénité et ce match peut être un point de départ". Bien sûr, personne n'oublie que le large score vient aussi du carton rouge contre Cafaro de la 39e entraînant l'ouverture du score sur pénalty et la supériorité numérique. Mais les Rennais maîtrisaient déjà jusque-là les débats face à des Verts venus sans grandes ambitions apparentes ce qu'a souligné l'Argentin. "Saint-Etienne était devant nous au classement. Je ne les considère pas faible et je donne beaucoup de valeurs au style que l'on a mis en place. On a joué avec beaucoup de plaisir et ce plaisir va nous amener beaucoup".
On sait exactement ce qu'on doit faire
La prestation rennaise du soir donne en tout cas de bons signaux sur l'adaptation des joueurs rennais à leur nouveau coach arrivé en Bretagne il y a maintenant trois semaines. Sampaoli avait fait passer quelques messages forts en conférence de presse d'avant-match. Morceaux choisis: "La situation de chaque joueur est réévaluée si je suis là. Je fais mes choix. Je vois des joueurs pour le moment pas à la hauteur de mon analyse de leurs capacités. Vu l'état de l'équipe, je vais privilégier des joueurs qui sont agressifs et ont beaucoup d'énergie. Si on joue de manière désordonnée contre Saint-Etienne, on va perdre ! On peut s'en sortir en jouant de manière anarchique mais il faut des joueurs qui gagnent le match tout seul et à Rennes je n'en vois pas".
L'Argentin veut refaire de Rennes une équipe. L'analyse de ses choix dans le onze amène déjà quelques enseignements. Avec des gagnants (Mandanda, Assignon, Hateboer, Ostigard, Nagida, Matusiwa, Gouiri, Kalimuendo ont enchainé les deux rencontres) et des perdants (Wooh, Santamaria ou Jota par exemple n'ont pas joué pour les deux premiers ou sont seulement entrés en jeu comme le Portugais). Les joueurs rennais interrogés semblent en tout cas adhérer au discours. Ils n'ont de toute façon pas le choix. "Sampaoli demande beaucoup d'énergie tous les jours de la concentration. Ne jamais faire les choses moins bien et être toujours prêt. Il est très clair sur ce qu'il veut. Si tu le fais, tu pourras jouer. Sinon, tu auras des problèmes", lance Leo Ostigard. Une intransigeance nouvelle et une clarté dans le discours tactique bienvenue à en croire le défenseur. "On sait exactement ce qu'on doit faire. Avant, on était trop exposé. On ne savait pas ce qu'on allait faire exactement offensivement et défensivement". Une pierre dans le jardin de Julien Stéphan accréditant le fait que l'ex-entraîneur, malgré sa bonne volonté, avait perdu ses troupes.
Même à 5-0 on voyait qu'on voulait plus
Samedi en après-match, Amine Gouiri relevait aussi: "On travaille à l'entraînement les circuits de passe, l'intensité technique avec le ballon. Il veut qu'on joue tout simplement, qu'on répète les passes, qu'on domine l'adversaire pour avoir le contrôle du match. C'est ce qu'on a fait". Avec à l'origine du pénalty sur le premier but, un corner joué à deux entre Blas et Gouiri sur une combinaison "un travail avec le nouveau staff qu'on repète depuis dix jours".
Sur le banc à Lille ce qui avait surpris, Ludovic Blas "pas content" avouait lui avoir "beaucoup travaillé la semaine pour être titulaire. Le coach vient d'arriver. Je dois montrer que je peux être présent". Il l'a montré dans les grandes largeurs en sortant un gros match avec un but deux passes décisives et un pénalty directement provoqué ce que son entraîneur a souligné. Interrogé sur la patte Sampaoli dans le résultat du soir, Blas décryptait: "Le visage de l'équipe montre ce qu'on est maintenant. Même à 5-0, on voyait qu'on voulait plus. A chaque perte de balle, on courrait pour la récupérer. Il nous répète çà. Quand on perd la balle, être directement concerné. C'est ce qu'il nous a amené dès son arrivée". La consigne n'est pas révolutionnaire en soit mais c'est une preuve que l'état d'esprit et la mentalité des Rennais ont changé.
Un choix de Sampaoli a aussi directement pesé sur le match: la titularisation de Jordan James dans l'entrejeu. Arrivé cet été, le jeune joueur de 20 ans a été la révélation de la rencontre titulaire au côté d'Azor Matusiwa. James n'avait eu le droit qu'à trois entrées en jeu en début de saison avant de disparaître de la circulation n'étant parfois même pas sélectionné dans le groupe. Le Gallois, formé à Birmingham en Championship, international et titulaire avec sa sélection, a enfin pu montrer toutes ses qualités (98 ballons touchés, 93% de passes réussies, sept passes en profondeur, deux passes clés amenant une occasion). Pressing, contre-pressing, justesse technique, jeu vers l'avant, "il a fait un très grand match conforme au joueur que je voyais avec le Pays de Galles. Il a été l'un des meilleurs" l'a félicité Jorge Sampaoli en après-match. Une nouvelle tâche pour le bilan de son prédécesseur Julien Stéphan qui n'a jamais vraiment expliqué pourquoi James n'entrait pas dans ses plans, au contraire de profils plus restrictifs aux cotés de Matusiwa comme Kamara ou Santamaria. James évidemment "très frustré des premiers mois" où il n'a pas eu sa chance, a marqué les esprits.
Nantes, Angers puis le mercato pour s'affirmer
Désormais 12e au classement, le plus important reste maintenant pour Rennes de confirmer. Les Bretons regardent encore derrière. Ils n'ont que deux points d'avance sur le barragiste Le Havre et trois points sur le FC Nantes leur prochain adversaire dans un derby toujours particulier à la Beaujoire dimanche prochain. Suivra derrière la réception d'Angers, 14e. Le calendrier doit permettre aux Rennais et à Jorge Sampaoli de s'affirmer et de prendre leurs aises sur le bas à Noël. Après les 32es de Coupe de France arrivera alors la trêve puis le mercato d'hiver qui s'annonce actif dans les deux sens. Sampaoli aime travailler avec un groupe de 22-23 joueurs.
L'effectif en l'état est trop large. Des choix clairs seront alors faits par l'entraîneur, certains éléments ne répondant pas aux attentes devront trouver une porte de sortie s'ils veulent jouer. D'autant que l'Argentin compte bien demander des renforts. Le sujet a été discuté dans la négociation de sa venue et il a le feu vert de la direction. Il est trop tôt pour savoir combien de joueurs seront visés mais un défenseur suite à la longue blessure de Seidu, un milieu de terrain et un attaquant seraient attendus. Les pistes annoncées par la presse brésilienne, comme celui de Gerson (Flamengo) que Sampaoli a eu à l'OM, Fabricio Bruno (Flamengo) ou Joao Mario (Besiktas), n'ont pas encore été engagées ni par l'entraîneur ni par la direction. Les dirigeants rennais prioriseraient en premier lieu un recrutement en France pour ne pas internationaliser encore plus un vestiaire déjà bien chamboulé l'été dernier.