Le président de la LFP pousse l'idée d'une réduction de l'élite française à dix-huit équipes. Quelles sont les intentions derrière ce projet?
L'idée ressort des tiroirs à intervalles réguliers, mais la crise lui donne plus de consistance: faut-il, comme le souhaite le nouveau président de la LFP Vincent Labrune, prêt à "ouvrir le débat", réduire le championnat de France à dix-huit clubs?
La principale justification avancée pour cette réforme est la recherche d'une amélioration de la "compétitivité" des clubs français. On pourrait entendre ce terme au sens sportif (resserrer l'élite pour en hausser le niveau), mais il résonne surtout au sens économique.
Car les motivations premières sont plus prosaïques, et ce sont essentiellement celles des gros clubs: moins de parts, c'est plus de gâteau pour chacun. D'autant que ce rétrécissement s'accompagnerait d'une diminution du nombre de relégations – probablement à deux, et pas forcément directes.
Un leitmotiv des réformateurs est en effet de "rassurer les investisseurs", qui hésitent en raison du risque sportif, en l'occurrence celui d'une relégation. Vieille contradiction entre la logique économique et la logique sportive, qui a conduit à une constante réduction de l'incertitude des résultats.
Une Ligue 1 à dix-huit clubs figurait dans notre Manifeste de 2003 (avec la suppression de la Coupe de la Ligue), mais notre souci premier était de réduire l'épuisement des joueurs, les risques de dopage et la saturation des calendriers et des écrans.
Et puis, nous imaginions quatre accessions-relégations pour créer une dynamique entre les deux échelons, favoriser les projets sportifs ambitieux et éviter qu'une descente en Ligue 2 ne soit un désastre. Tout le contraire d'un programme consistant à sécuriser les maintiens dans l'élite.
Même si Vincent Labrune admet une surabondance de matches et de compétitions en Europe et prétend vouloir "retrouver de l'incertitude", son "en même temps" très macroniste laisse peu de doutes: il faut "faire passer un cap aux plus gros clubs" et "en même temps, il faut chercher à renforcer les plus petits".
Sur le plan sportif, au-delà de meilleures conditions de récupération et de préparation, une Ligue 1 à dix-huit présente en théorie quelques avantages: une hausse du niveau moyen, un ventre mou amoindri, plus d'adversité pour les meilleures équipes. Mais, dans ces années 2020, c'est surtout un projet politique.
Dans le package qui se dessine, il y a en effet "la création d'une filiale commerciale qui gère directement les droits de nos championnats" (sur le modèle de la Premier League), et la volonté de donner encore plus de pouvoir aux clubs puissants (sur le modèle du Project Big Picture de la Premier League).
Didier Deschamps en a résumé la philosophie: "Ça va dans le sens de l'élite". Il soutient le projet, peut-être contre son camp: le grand chambardement des calendriers qui s'annonce a une victime déjà désignée, le football de sélections.
La Ligue 1 à dix-huit serait une bonne idée dans un autre contexte. Dans celui-ci, a-t-elle une chance de servir l'intérêt collectif plutôt que des intérêts particuliers?