Espoir de l’équipe de France et du Stade Rennais, le footballeur Mathis Lambourde avait renversé Stéphanie Cadeau, mère de famille très connue dans le milieu culturel local
La salle d’audience numéro 101 du tribunal correctionnel de Rennes était pleine ce vendredi 23 août. Un contraste saisissant avec le désert d’une cité judiciaire qui n’accueillait aucun autre procès ce vendredi. Un contraste saisissant aussi avec le silence de plomb qui régnait dans la salle. « Ces audiences sont parmi les plus douloureuses à vivre. Même nous, magistrats professionnels, nous ne pouvons pas rester de marbre ». Visiblement ému, le procureur de la République Hubert Lesaffre a requis une peine de deux ans de prison avec sursis à l’encontre de Mathis Lambourde, jeune espoir du Stade Rennais de 18 ans. Avant de s’adresser à la famille de la victime. « Stéphanie Cadeau était une grande dame. Ce n’est pas cette audience malheureusement qui pourra vous consoler. La peine que j’ai été amené à requérir, elle ne sera pas proportionnelle à votre peine mais proportionnelle au comportement de Mathis Lambourde ». Quelques minutes plus tard, le tribunal correctionnel a rendu sa décision, condamnant le jeune footballeur du Stade Rennais à deux ans de prison avec sursis pour homicide involontaire.
Polo blanc et pantalon noir, ce solide gaillard originaire de la région parisienne a semblé suivre les débats de façon mécanique, sans réellement laisser transpirer ses sentiments. Face à lui, la sœur de Stéphanie Cadeau n’a, elle, pu contenir son chagrin. Le 18 juin, sa sœur sortait d’un rendez-vous professionnel sur le mail Mitterrand, à Rennes, quand elle a été percutée par une trottinette conduite par le joueur du Stade Rennais, qui avait embarqué un ami avec lui. Inconsciente, Stéphanie Cadeau avait été transférée en urgence à l’hôpital. Souffrant de multiples lésions au cerveau, elle s’était éteinte six jours plus tard, plongeant sa famille et ses proches dans un impossible deuil. Fondatrice du festival des Embellies, cette mère de deux enfants tout juste majeurs était bien connue dans le milieu culturel rennais. Pendant des années, elle avait accompagné des musiciens en devenir et laisse « un grand vide ».
Ma sœur n’avait pas à se pousser
D’après leurs déclarations, les deux jeunes footballeurs auraient crié en direction de la piétonne, l’invitant à se décaler. Stéphanie Cadeau, 51 ans, n’aurait pas bougé et aurait poursuivi son chemin, avant d’être violemment percutée par la trottinette du père de Mathis Lambourde, que le jeune joueur conduisait pour la première fois. « Ma sœur n’avait pas à se pousser. Ce n’était pas à elle de le faire. C’est toi qui n’étais pas à ta place. Ton comportement était inconscient. J’espère que toute ta vie sera tournée vers cette perte immense que tu as causée », a témoigné la sœur de la victime en direction du jeune espoir du football. A la barre, ce dernier a reconnu ses torts, expliquant s’être engagé sur le trottoir car il ne voyait « aucun danger » à s’y insérer. « Il y avait beaucoup de bouchons ce jour-là. Une voiture me barrait le passage piéton. J’ai décidé de continuer tout droit. J’étais dans la précipitation, j’ai choisi d’aller sur le trottoir pour rejoindre ensuite le mail. Je n’ai vu personne sur le trottoir et je ne roulais pas très vite. Je n’ai pas vu de danger quand je me suis engagé », a assuré l’attaquant plusieurs fois sélectionné en équipe de France de jeunes.
Il devra payer de sa poche
Agé de 18 ans, le footballeur n’avait pas d’assurance pour son deux-roues. Sa belle-mère a bien tenté d’en contracter une moins de deux heures après le drame mais il était trop tard. Ce détail aura de lourdes conséquences pour le jeune footballeur. Pour sa carrière, peut-être. Mais aussi pour son compte en banque. Même s’il semble terriblement maladroit d’évoquer ici le « coût » d’une vie, il est important de préciser que le footballeur, sous contrat au Stade Rennais jusqu’en 2026 devra indemniser la famille et la CPAM de sa poche. « Sa vie ne sera pas comme avant. Et c’est compliqué de savoir que l’on peut faire pour répondre à cette situation », a reconnu son avocat Me Frignati Armando. « J’ai évidemment un sentiment de culpabilité. Personnellement, je tenais à m’excuser profondément. Je regrette tout ce qu’il s’est passé, l’accident et tout ce que ça a engendré », a tenté d’expliquer Mathis Lambourde.
Insuffisant, évidemment, pour atténuer la peine de la famille. Mais évidemment nécessaire, notamment pour convaincre les juges de ne pas le condamner plus sévèrement. Inconnu de la justice, le jeune homme échappe à la prison. Sa condamnation ne sera pas non plus mentionnée au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire comme l’avait demandé son avocat.