Le propriétaire du Stade Rennais, François Pinault, veut un nouveau stade pour accueillir son équipe et cible la friche industrielle proche du Roazhon Park. La Ville de Rennes se dit fermement opposée au projet. Associations écologistes et opposition municipale donnent leur avis sur un sujet qui n’a pas fini de faire parler.
Le projet a de l’allure. Un stade de 40 à 45.000 places, flambant neuf, pour accueillir les matches du Stade Rennais. L’actionnaire principal, le milliardaire François Pinault, cible la friche industrielle de la Barre Thomas, située de l’autre côté de rocade, presque face au Roazhon Park.
Comme le revèle une enquête du Mensuel de Rennes, le projet de François Pinault n'a pas les faveurs de Nathalie Appéré et de la ville de Rennes, loin de là.
Pour les promoteurs du projet, l’idée d’un nouveau stade répond à deux contraintes. D’abord, le Roazhon Park avec ses 29.000 places n’est plus assez grand. La plupart des matches se jouent à guichets fermés. Beaucoup de spectateurs ne trouvent pas de billets. Pour eux, c’est une frustration. Pour le club, c’est un manque à gagner conséquent.
Ensuite, François Pinault et le Stade Rennais deviendraient propriétaires du stade, comme c’est le cas de la majorité des grands clubs français et européens. Il n’aurait plus à payer la location du Roazhon Park, propriété de la municipalité.
Pour Loïck Le Brun, élu municipal de l’opposition à la Ville de Rennes, "cette évolution irait dans le sens de l’Histoire".
Ce serait une forme de reconnaissance et de respect de la part de la ville que de laisser François Pinault construire un grand stade à Rennes. Sur des terres industrielles et avec l’argent à 100% privé
Loïck Le Brun
Conseiller municipal (centre droit) à Rennes
Selon lui, "ce serait une forme de reconnaissance et de respect de la part de la ville que de laisser François Pinault construire un grand stade à Rennes. Sur des terres industrielles et avec l’argent à 100% privé" insiste-t-il.
Le projet aurait une ambition plus large. Sur le modèle de Lyon, il rêve d’un site qui n’accueillerait pas que du football, mais aussi des commerces, des lieux de culture, des événements, etc…
La ville pas favorable à un nouveau stade
Il est peu de dire que la mairie de Rennes est réticente face à ce projet. Consciente de la vétusté et de la trop faible capacité d’accueil du Roazhon Park, elle préférerait un agrandissement du stade actuel.
L'équipe municipale a été échaudée par le précédent bras de fer qui a opposé écologistes d’un côté, mairie et Stade Rennais de l’autre, concernant l’agrandissement du centre d’entraînement de la Piverdière.
Tout le monde à Rennes est très attaché au Roazhon Park, qui est superbe et qui a la particularité d'être un stade dans la ville
Frédéric Bourcier . Délégué aux Sports à la Ville de Rennes
"La municipalité a investi des dizaines de millions d'euros pour rénover et agrandir l'équipement en 2004, rappelle Frédéric Bourcier, délégué aux Sports à la mairie. Tout le monde à Rennes est très attaché au Roazhon Park, qui est superbe et qui a la particularité d'être un stade dans la ville. Après avoir échangé avec les dirigeants du club, nous avons lancé une étude technique pour évaluer les possibilités d'agrandissement du Roazhon Park".
En 2019, les projecteurs avaient été mis aux normes pour pouvoir accueillir sept matchs de la Coupe du Monde féminine. Coût de l’opération : 1,2 million d’euros.
On défend des intérêts privés avec de l’argent public. L’idéal serait que le centre de formation et le stade quittent Rennes et s’installent en deuxième ou troisième couronne.
Pascal Branchu . Association environnementale "La nature en ville"
Cette fois, la mairie vise un agrandissement de la tribune Vilaine, pour porter la capacité du stade à environ 35.000 places. Une aberration, pour Pascal Branchu, de l’association environnementale "La nature en ville", qui croit savoir que le projet inclut une partie de tribune sur pilotis avec des poteaux plongés dans la Vilaine.
Il renvoie François Pinault et Nathalie Appéré dos à dos. "Il faut qu’ils reviennent à la raison. On est très loin du sport, affirme-t-il. Qui plus est, on défend des intérêts privés avec de l’argent public. L’idéal serait que le centre de formation et le stade quittent Rennes et s’installent en deuxième ou troisième couronne".
Modifier le PLUi
Si ce stade voit le jour, ce ne sera pas avant 2030. Il faudra que ça passe par une modification du PLUi (Plan local d'urbanisme intercommunal).
À ce jour, chaque partie avance sur des œufs. À deux ans des élections municipales, Nathalie Appéré ne veut pas se rater. Elle a le pouvoir de bloquer un projet qui laisserait son empreinte sur la ville, sans dépenser un euro… Mais qui scellerait peut-être la scission avec les "Verts".
Elle peut choisir la voie que certains estiment "de la raison", peut-être un peu plus sûre d’un point de vue électoral mais alors il faudra engager des fonds publics.
Et si François Pinault en venait à se désintéresser du Stade Rennais ? "Mais attention, prévient Loïck Le Brun, François Pinault a sauvé le club il y a 25 ans. C’est un capitaine d’industrie, il sait prendre des décisions. Si la Ville lui refuse ce stade, il pourrait s’en aller. Si cela se produisait, le Stade Rennais tomberait dans les mains de qui ? Des Qataris ? Des Saoudiens ? Des Chinois ?"
Le match est loin d’être terminé.