En chipant Nemanja Matic à la Roma, le Stade rennais a mis la main sur un joueur d'expérience qui doit l'aider à franchir un nouveau cap sportif et d'image. La confirmation d'un changement de dimension, enclenché depuis quelques années et qui s'accompagne forcément d'objectifs plus élevés.
Ils sont sans doute nombreux, ce lundi soir, à s’être pincés pour y croire. Au lendemain d’une démonstration inaugurale contre Metz au Roazhon Park (5-1), où voir Rennes planter quatre, cinq ou six buts est presque devenu une extraordinaire banalité ces deux dernières années, le Stade rennais a officialisé l’arrivée de Nemanja Matic, à travers un clip dépassant le million de vues. Ce transfert inattendu, estimé à un peu plus de deux millions d’euros, était en vérité devenu un secret de polichinelle depuis quelques jours, l’international serbe étant même arrivé la veille à l’aéroport, où plusieurs dizaines de supporters s’étaient déplacés pour l’accueillir. Rien à voir avec la traditionnelle folie des supporters en Turquie ou celle au Brésil pour Dimitri Payet, mais quasiment du jamais-vu pour une recrue chez les Rouge et Noir.
De la curiosité, l’envie de voir de ses propres yeux, avant cette question posée dans le microcosme rennais : Matic est-il le plus grand joueur recruté par le SRFC ? Les plus anciens ne peuvent pas s’empêcher de citer le nom de Laurent Pokou, bien sûr, et les autres pensent naturellement à Bernard Lama, au retour de Sylvain Wiltord à la fin des années 2000, voire à Steven Nzonzi et Steve Mandanda, deux internationaux arrivés en Bretagne avec leur statut de champion du monde. Au-delà de ces réflexions historiques, la signature de Matic à Rennes est un symbole pour le présent. Celui d’un club en pleine croissance et un peu plus ambitieux chaque année.
Un CV et un taulier
Le feuilleton a duré à peine quelques semaines, alors que la Roma et José Mourinho comptaient sur le milieu de terrain serbe pour la nouvelle saison après un premier exercice plutôt réussi en Italie (50 matchs, 2 buts, 3 passes décisives, plus de 3000 minutes jouées et une place dans l’équipe type de la Ligue Europa). Selon les premiers échos, notamment relayés par Ouest-France, Matic a été séduit par le discours du coach, l’ambition du club et souhaitait connaître une expérience en France pour préparer sa future reconversion comme entraîneur. Sur le terrain, le joueur de 35 ans a encore des choses à donner, entre son impact physique, sa qualité technique et son expérience colossale devant une ligne défensive très jeune. « C’est de la concurrence, assumait Baptiste Santamaria ce dimanche en zone mixte. Il va falloir être bon sur le terrain et ce sera le meilleur qui jouera. C’est important car on a un gros effectif et énormément de matchs cette saison, on aura besoin de tout le monde. »
Ça veut dire effectivement que le club grandit et que des grands joueurs ont envie de venir au Stade rennais, c’est plutôt réjouissant.
Bruno Genesio
Dans cette optique, le triple champion d’Angleterre, passé par Chelsea et Manchester United, pourrait apporter de la tranquillité à une équipe joueuse, parfois trop, et un peu plus d’équilibre et d’impact dans les rencontres difficiles face à des concurrents. En Ligue Europa, aussi, où le bonhomme a déjà disputé trois finales (toutes perdues). Les 93 matchs européens affichés à son CV (contre 85 pour le Stade rennais) ne seront pas de trop pour aider la bande de Bruno Genesio à franchir un cap après la désillusion contre le Shakhtar Donetsk la saison passée. « Ça veut dire effectivement que le club grandit et que des grands joueurs ont envie de venir au Stade rennais, c’est plutôt réjouissant », commentait le technicien breton en conférence de presse après la victoire contre Metz. Les dirigeants rennais n’ont pas attendu cet été pour tenter d’attirer des joueurs de classe internationale. En 2020, par exemple, Florian Maurice avait pris des renseignements sur Thiago Silva, avant que la porte à peine entrouverte ne soit immédiatement refermée.
Rennes, nouveau modèle français ?
La venue d’un joueur de la dimension de Matic devrait également permettre à Rennes de gagner en crédibilité, en plus des six campagnes européennes d’affilée, du jeu souvent séduisant proposé par l’équipe de Genesio ou encore des ventes importantes à de très grands clubs. "C’est sûr que ça donne plus de poids et qu’on est plus reconnus au niveau européen, posait le président Olivier Cloarec au début du mois d’août après le départ de Lesley Ugochukwu à Chelsea contre environ 30 millions d’euros. Ce qui est important, c’est de réussir à le pérenniser." Un exemple à tous les niveaux pour certains, à commencer par le Racing Club de Lens, qui avait voulu s’inspirer du SRFC au moment de revenir dans l’élite. Un modèle bien sûr permis par la présence de la famille Pinault, actionnaire milliardaire mais qui ne voit pas le club breton comme un simple objet de business, ainsi que par les excellentes ventes réalisées ces trois dernières années (plus de 220 millions d’euros en attendant le très probable transfert de Jérémy Doku cet été).
Un changement de dimension qui implique de nouvelles exigences et des objectifs plus élevés. Celui d’une qualification en Ligue des champions (la quatrième place offrira un ticket pour les tours préliminaires cette saison) a été annoncé par Maurice au début de l’été, quand Rennes finalisait déjà les arrivées d’Enzo Le Fée et de Ludovic Blas. "Il ne faut pas faire les timides, il faut montrer qu’on est ambitieux et qu’on veut aller la chercher", assumait d’ailleurs l’ancien Lorientais lors de sa présentation. Il devrait cependant encore se passer des choses en 15 jours de mercato : Lovro Majer est parti, Doku devrait le suivre et d’autres mouvements ne sont pas à exclure, le SRFC cherchant toujours à gagner en expérience. Rien ne devrait éteindre l’engouement local (et presque national en ce moment) autour du club rouge et noir, considéré par beaucoup comme un favori au podium. "On ne peut pas s’improviser du jour au lendemain comme un candidat au titre ou à la Ligue Europa, tempérait Genesio la semaine dernière. On doit franchir une étape supplémentaire qui doit nous permettre d’être en Ligue des champions, mais ce n’est pas garanti (…) C’est comme dans un Grand Prix de Formule 1, c’est quand le drapeau à damiers s’agite qu’on sait si on a bien fait le travail." Place à la course.