L’homme d’affaires breton François Pinault avait déjà acheté la villa Greystones, pointe de la Malouine, à Dinard, en 2012. Cette fois, il s’est porté acquéreur de la villa Bel-Esbat, à quelques centaines de mètres de là. Elle avait accueilli le dramaturge Edmond Rostand, à la fin du XIXe siècle.
Avenue du Vallon, à Dinard, en Ille-et-Vilaine, la villa Bel-Esbat, déjà propriété privée, s’apprête à changer de mains. Et elle ne va pas passer dans n’importe quelles mains…
Construite au début des années 1890, dans le quartier de la Malouine, avant même l’emblématique villa des Roches-Brunes à une centaine de mètres de laquelle elle se trouve, cette belle maison de villégiature balnéaire a en effet séduit François Pinault.
Le montant de la transaction n’est pas connu mais l’homme d’affaires breton pourrait bien y faire effectuer quelques travaux de restauration. Il s’est en effet déjà distingué par des actions en faveur de la sauvegarde du patrimoine – la famille Pinault a notamment mobilisé 100 millions d’euros pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris – et pourrait avoir à cœur d’œuvrer pour ce patrimoine-ci…
Un précédent avec la villa Greystones
Déjà, en 2012, le propriétaire du Stade Rennais, s’était porté acquéreur de la célèbre villa Greystones, également à Dinard. Il s’était alors lancé dans une vaste restauration des lieux pour retrouver l’agencement intérieur de l’époque, avant de s’attaquer aux extérieurs. Dès 2014, l’édifice était inscrite au titre des monuments historiques avant d’être classée monument historique, en février 2019. La villa Bel-Esbat se situe d’ailleurs non loin de la villa Greystones, dans la très discrète avenue du Vallon.
Cette maison fait partie de celles dessinées, à la fin du XIXe siècle, par l’architecte Alexandre Angier à la demande d’Auguste Poussineau : ce bâtisseur est l’instigateur du lotissement paysager qui a vu le jour, à l’époque, sur la pointe de la Malouine, à destination d’une élite aristocratique. C’est pour la famille du docteur Rodolphe Noack qu’est créée la villa Bel-Esbat. Ils la destinent à la location tant qu’ils en restent propriétaires, soit jusqu’en 1920, indique Marie-France Faudi, passionnée d’histoire locale, dans Dinard, la Malouine au pas des chevaux.
Le chalet de Cyrano ? Pas si sûr…
D’ailleurs, cette maison à laquelle des toitures à longs pans, des bow-windows et des menuiseries extérieures donnent des allures de chalet est surtout connue grâce à l’un de ses premiers locataires temporaires…
Au début des années 1890, le dramaturge Edmond Rostand, est passé par la villa Bel-Esbat avec son épouse Rosemonde et leur jeune fils, Maurice. L’auteur y a rédigé un poème, Les barques attachées. (1) La presse locale se fait aussi l’écho d’un séjour à Bel-Esbat, au cours de l’été 1895.
Rien de surprenant à tout cela. La Côte d’Emeraude de la fin du XIXe siècle, chère à Judith Gautier, est un lieu de villégiature également prisé des hommes de lettres : Emile Bergerat, Jean Richepin ou encore Raoul Ponchon s’y côtoient.
De ce passage avéré de Rostand à Dinard est en tout cas née l’hypothèse selon laquelle l’écrivain y aurait écrit son chef-d’œuvre, Cyrano de Bergerac, dont la première n’a pourtant été jouée qu’en décembre 1897. Le fait est qu’au cours de sa tournée, la pièce a bel et bien été jouée à Dinard, au casino, en août 1898.
Mais le doute est permis quant au lieu où les vers ont effectivement été couchés sur le papier. Les recherches de Marie-France Faudi ( 1), plaident plutôt en faveur d’une autre théorie : c’est dans la petite maison parisienne du couple, au 2, rue de Fortuny, que Cyrano de Bergerac aurait été écrit…
(1) Article « Rosemonde Rostand et la Bretagne, un peu, beaucoup, passionnément,…» dans les Annales de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Saint-Malo, en 2005.